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jeudi 26 mars 2015
mercredi 2 octobre 2013
Trois autres Thaïlande... en version numérique !
PDF (illustrée), 8.99 €, ISBN 979-10-91328-06-7 epub, 8.99 €, ISBN 979-10-91328-07-4 |
Trois autres Thaïlande est désormais disponible en version numérique, pour lecture sur ordinateur, tablette, liseuse, smartphone, etc.
Proposé en version PDF avec illustrations noir&blanc et en epub (sans illustrations), il peut être :
- lu en streaming sur Youboox, la bibliothèque numérique nouvelle génération ;
- acheté sur la boutique internet des éditions GOPE ou sur Numilog ou sur votre plateforme habituelle (Amazon, iTunes, Kobo-FNAC, etc.).
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La Thaïlande … « Terre de spiritualité » ? « La fleur de l'Asie » ? « Le pays du sourire » ?
Oui, mais …
Les éditions GOPE vous invitent à découvrir Trois autres Thaïlande différentes de celle que nous croyons tous connaître.
Loin de tout exotisme bon marché et accessible à tout public, ce livre est composé d’histoires courtes qui sont basées sur des faits réels.
L’auteur a vécu sept ans à Phuket et a été chroniqueur pour le quotidien thaïlandais THE NATION. Cet observateur attentif nous livre, tour à tour avec tendresse, ironie ou crudité, une série de portraits saisissants qui nous font découvrir de façon divertissante des visages cachés de ce pays.
mercredi 16 mai 2012
Quelques commentaires de lecteurs enthousiastes
Trois autres Thaïlande continue à faire son chemin parmi un lectorat de plus en plus grand et varié. C'est un livre facile à lire qui permet de mieux comprendre la Thaïlande, avec l'intelligence du cœur.
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« J'ai adoré Trois autres Thaïlande, portraits détonants.» P.K
« Je voulais aussi vous redire à quel point je trouve ces nouvelles de Rosse réussies, et ce livre lui aussi très utile et bienvenu. Vraiment je le fais lire à des amis, et je signale à qui veut m'entendre : son art de dire tant en si peu de mots est très très prenant et laisse une trace forte. Bravo pour ce livre […]. » G.V
« Au final, le tout compose un petit tableau du royaume totalement dénué de complaisances et de clichés, dont on conseille la lecture. » Olivier Jeandel, Carnets d'Asie
« Sans aucun doute, Trois autres Thaïlande mérite une place de choix dans une bibliothèque idéale consacrée à la Thaïlande. » Emmanuel Deslouis, Eurasie.net
« Tranches de vie Farang où Thaïe, exceptionnelles, pathétiques, cocasses, leçons de vie, cela va vite, jamais ennuyeux. » Voyageurasie
« Merci à Étienne Rosse et David Magliocco pour ce regard saisissant porté sur la Thaïlande, un pays qui demande finalement à être mieux connu. » Tarsier69
« Enfin des livres bien traduits sur la Thaïlande. Poésie, charme et fantaisie sans tomber dans les clichés. » L.D
« C’est un livre accessible pour tous. [...] d’autres apprécieront l’immersion dans la culture thaïlandaise. Toutes les histoires m’ont touchée. » Pause Lecture
« J'ai profité du voyage pour lire Trois autres Thaïlande et il m'a en effet bien plu. Les portraits sont très réalistes » quand on connaît et vit en Thaïlande ! » J.B
« Ce sont des chroniques pleines d'humour qui sont parues dans un grand quotidien. Et j'adore les chutes de ces histoires, toujours surprenantes. » A.E
lundi 19 mars 2012
Retraite ou expatriation en Thaïlande ?
Qui, après un court séjour à Phuket ou à Pattaya, n'a pas songé à revenir en Thaïlande, voir à s'y établir ?
Pourtant, les personnes qui ont choisi de sauter le pas, pour y passer leur retraite ou pour y travailler, font face à de nombreux challenges et s’adapter se révèle souvent plus difficile ou plus long que prévu.
Et surtout, comment savoir qui est qui ? Comment savoir pourquoi certains ont échoué alors que d’autres, au contraire, ont réussi ? Quelle a été la vie de certaines figures locales ?
Réponse dans Trois autres Thaïlande.
La quarantaine de chroniques qui le composent sont parues dans The Nation et ont toutes pour cadre Phuket et pour protagoniste, sa faune, thaïlandaise ou farang.
Étienne Rosse est un observateur attentif et il nous délivre dans Trois autres Thaïlande une série de portraits saisissants qui nous font découvrir ce qui se cache derrière les visages familiers et intemporels que l’on peut croiser au Royaume.
lundi 7 novembre 2011
Trois autres Thaïlande, 2e édition !
Les éditions GOPE ont retroussé leurs manches pour vous proposer une nouvelle édition de Trois autres Thaïlande : revue, augmentée, illustrée, avec une nouvelle présentation...
Cette nouvelle édition sera disponible en librairie début décembre mais vous pouvez réserver votre exemplaire dès maintenant !
Cette nouvelle édition sera disponible en librairie début décembre mais vous pouvez réserver votre exemplaire dès maintenant !
vendredi 6 mai 2011
La cité des enfants perdus
[…] Quand j’ai rencontré Phi Odt pour la première fois, elle vivait dans une cabane en feuilles de palmier, sans eau courante, ni électricité, ni moustiquaire où elle revendait des stupéfiants à des Farangs. Elle devait avoir dans la trentaine et malgré son visage ravagé par la drogue, vous pouviez voir qu’elle avait été extraordinairement belle. Une de ses copines apprit que j’étais écrivain public et m’emmena chez elle. Odt désirait que je lui traduise des textes en anglais, une grande quantité me prévint-elle, mais elle ne voulut pas me dire quoi au juste avant que nous nous soyons mis d’accord sur un prix.
Elle commença par proposer une rémunération en drogue, puis en services sexuels avant de finalement accepter un paiement en liquide. Elle présenta alors une boîte d'archives en carton qui contenait au moins vingt carnets dont chaque page, recto verso, était remplie d'une écriture fine et soignée. Il s’agissait de poèmes en thaï, il devait y en avoir des milliers, et je compris immédiatement que j’aurais dû demander un prix plus élevé. Cette traduction allait être plus difficile que les habituels « Mon cher Joe, je suis fauchée… »
Tandis qu’elle remplissait d’opium le fourneau d’une pipe, elle me dit que ces poèmes étaient destinés à ses enfants et qu’il fallait absolument qu’ils soient traduits en anglais d’abord puis en néerlandais. Je lui demandai alors pourquoi ses enfants lisaient le néerlandais au lieu du thaï et c’est ainsi que je passai une nuit entière dans sa cahute à l’écouter me raconter sa vie. […]
Retrouvez Odt et bien d’autres personnages tout aussi picaresques dans Trois autres Thaïlande.
Copyright © Steve Rosse 2006
Copyright © Éditions GOPE, mars 2011, pour la version française
Copyright © Éditions GOPE, mars 2011, pour la version française
Traduit de l’anglais (États-Unis) par David Magliocco
jeudi 17 février 2011
Email d'un lecteur
« Trois Autres Thaïlande » commence par un hommage : celui rendu à un personnage dont la vie passée au Pays du Sourire semble aller à l’encontre de toutes les idées préconçues que l’on peut avoir sur ce pays. Il serait donc possible pour un farang de mener une vie saine et sans histoires en Thaïlande, privée de toute dépravation, et d’y être apprécié des locaux comme des expatriés. Un hommage en forme d’avertissement certes, car tout ne sera pas si rose, mais aussi une affirmation que la Thaïlande n’est pas uniquement ce lieu à mi-chemin entre fantasme et réalité que l’on cherche constamment à nous vendre.
Moi-même, je ne connaissais pas, ou si peu, la Thaïlande avant de me plonger dans la lecture de ce passionnant recueil. En tant que touriste, j’avais bien eu l’occasion d’en visiter à la va-vite quelques sites, mais sans jamais sortir des sentiers battus et rebattus par les millions de voyageurs passés avant moi et qui continuent, vaille que vaille, d’affluer année après année. En tant que simple humain confronté à la masse d’informations disponibles dans les médias, je m’étais aussi construit une image d’Epinal de ce pays, une image qui n’avait pas grand chose à voir avec celle brièvement décrite dans ces premières pages.
Car la Thaïlande a beau être connue sous le sobriquet de Pays du Sourire, elle semblait être aussi celui du « dernier soupir » pour bon nombre de visiteurs imprudents. La Thaïlande est ainsi faite qu’elle parvient à faire rimer, à grande échelle, hospitalité et escroquerie, grand luxe et misère, drogue et « wellness », amour et prostitution. Fantasme et réalité. Elle est le théâtre de la rencontre de deux mondes que tout ou presque oppose – celui des farangs et celui des locaux. Elle est un immense marché à ciel ouvert, où toutes sortes de « marchandises » se négocient à toute heure de la journée et de la nuit. Un véritable casse-tête schizophrène pour le premier venu, un piège parfois fatal pour qui relâche momentanément sa garde, mais aussi un paradis sur terre, voire une terre d’élection pour qui sait, à l’image de l’ambassadeur Gérard André, aller au fond des choses et saisir l’âme de ce pays.
C’est ce grand écart d’un extrême à l’autre qui m’a longtemps tenu éloigné de la Thaïlande et qui m’a, comme beaucoup, maintenu dans l’ignorance la plus complète, ou à l’inverse conforté dans l’impression de déjà tout connaître de ce pays. Force est de constater, à la lecture de « Trois Autres Thaïlande », que je m’étais largement fourvoyé. En observateur avisé et journaliste de métier, Etienne Rosse nous fait (re)découvrir les multiples facettes de la Thaïlande, nous plongeant dans sa réalité la plus nue et la plus crue, son quotidien le plus banal mais aussi le plus révélateur. Son style distancié et teinté d’un humour pince-sans-rire sert à merveille ces tranches de vie et l’on a tôt fait de s’attacher à ces personnages qui, chacun à leur manière, font et défont la Thaïlande d’aujourd’hui. Si les initiés y retrouveront immanquablement des évocations ou des souvenirs de « leur » Thaïlande, les novices comme moi seront happés par ces tourbillons de vie dont beaucoup ne mènent nulle part et trahissent bien souvent notre vanité d’humains. Merci à Etienne Rosse et David Magliocco pour ce regard saisissant porté sur la Thaïlande, un pays qui demande finalement à être mieux connu.
Tarsier69
samedi 11 septembre 2010
Risky business
[...] Khun Mot avait prévenu Saul qu’en Asie les businessmen ne pilotent pas de moto, en tout cas certainement pas en short et en sandales. Mais Saul avait répliqué :
« Les gens se foutent de comment tu es habillé s’ils savent que tu es riche. L’argent ouvre toutes les portes, le reste ce n’est que des conneries. »
À suivre…
mardi 31 août 2010
Au cœur de la casbah
[…]
Le touriste regarda de plus près la première rangée de filles. Elles étaient toutes séduisantes, avec de longs cheveux noirs, des yeux en amande et des lèvres peintes rouge vif. Elles étaient assises jambes croisées, certaines appuyées les unes contre les autres, d’autres se brossant les cheveux mutuellement. Il y avait une femme avec une robe rouge à fanfreluche qui aurait convenu à quelqu’un de dix ans plus jeune. Elle portait le badge numéro dix-sept en boutonnière.
« La dix-sept est mignonne… dit le touriste sans conviction. »
« La dix-sept est mignonne… dit le touriste sans conviction. »
Le souteneur retourna immédiatement au microphone et la fille à la robe rouge prit son sac à main. Elle se leva, balança ses longs cheveux noirs par-dessus une épaule et elle passa la porte sans adresser la parole aux autres filles.
À suivre…
mercredi 11 août 2010
Pourquoi GOPE ?
On m'a souvent posé la question et je dois admettre qu'à chaque fois j'ai été un peu pris de court. Comme j'ai probablement dû répondre de manière confuse ou incomplète, pour ne pas dire insatisfaisante, voici quelques éclaircissements.
Ce nom m'est venu spontanément comme ces phrases que l'on dit sans réfléchir ou comme ces idées lumineuses qui s'imposent à vous en éclipsant toutes les autres.
En effet, il y a dans Trois autres Thaïlande une fascinante histoire qui montre comment la mise au ban d’une pensionnaire d’un bordel par ses collègues va conduire celle-ci à la folie ; la protagoniste s’appelle Gop, un surnom qui veut dire grenouille en thaï (กบ), frog en anglais, une des affectueuses appellations dont nous affublent certains anglophones.
Or, il se trouve que j'avais en tête à ce moment là le proverbe indien suivant :
« L'homme qui ne sort pas et ne visite pas dans toute son étendue la terre pleine d'une foule de merveilles est une grenouille de puits. »
La vie m’a permis de m’échapper à plusieurs reprises de mon puits pour devenir une grenouille voyageuse, alors, en tant qu'éditeur, j'allais essayer de faire voyager par la magie des livres d’autres grenouilles qui pour une raison ou une autre restaient coincées dans leur puits – un défi dont on appréciera les risques en se reportant à la fable indienne ci-dessous.
À première vue, un nom court et facile à retenir comme G.O.P présentait des avantages évidents - je ne me voyais pas épeler x fois par jour au téléphone Le cercle herméneutique ou Desclée de Brouwer, par exemple. J'ai donc confié à un publicitaire aidé d'un graphiste la tâche d'en faire une marque et un logo. Et c'est ainsi que G.O.P est devenu GOPE, les sigles étant à éviter et l'oreille française ayant besoin d'un peu plus de rondeur m'a-t-on expliqué.
********
La grenouille dans le puits
Il était une fois, une grenouille qui vivait au fond d’un puits. Ce puits était vaste et très confortable pour une petite grenouille. Elle regardait chaque jour le petit rond de ciel au dessus de sa tête. Elle tournait, sautait, plongeait, avait appris à connaître et exploré chaque pierre et chaque recoin de son puits. Cela lui avait pris toute sa vie de petite grenouille et elle en était très fière.
Un jour, une grenouille voyageuse qui avait très chaud et très soif sauta dans le puits.
Plouf !
« Bonjour madame Grenouille.
— Bonjour madame Grenouille.
— Enchantée de faire votre connaissance.
— Moi de même, chère madame Grenouille. Mais quel bon vent vous amène donc ici bas ?
— J’ai voyagé depuis l’aube, car je m’en reviens de l’océan pour aller voir ma grand-mère qui habite de l’autre côté de la forêt et comme il faisait très chaud, je me suis permise de sauter…
— Oh ! Vous avez très bien fait ma chère. Je vous en prie, faites comme chez vous. Vous prendrez bien une petite mouche… Mais où est donc ce puits océan dont vous me parlez ?
— Eh bien, l’océan n’est pas un puits ou si l’on peut le décrire comme tel, c’est un puits qui s’étend à l’infini, avec le ciel pour contour.
— Le ciel pour contour… Vous moquez-vous de moi ? C’est le monde à l’envers. Et comment l’eau peut-elle tenir alors ? Et comment peut-on tourner en rond sans murs ?
— Mais pourquoi voulez-vous donc tourner en rond puisqu’il n’y a pas de murs ? interrogea la grenouille voyageuse.
— Mais parce que c’est la vie de tourner en rond enfin ! s’exclama la grenouille du puits, un peu irritée du tour que prenait cette conversation qui avait pourtant si bien commencé.
— Ah ! dit l’autre, pensive. Mais vivre dans l’espace infini de l’océan, c’est merveilleux !
La grenouille du puits réfléchit. Elle imagina son puits sans ses pierres, pierres qu’elle connaissait depuis son enfance, le ciel du haut en bas… Non, vraiment, un puits sans pierre… des pierres en ciel… mais quelles carabistouilles est-elle en train de me raconter cette grenouille ?… Elle commença alors à avoir peur, s’imaginant que l’autre était en train de monter un stratagème pour lui donner envie de partir, pour lui voler son beau puits chéri.
— Eh bien, allez-vous en, sortez de chez moi et retournez-y dans votre fameux océan ! dit-elle en se montrant menaçante et ferme. »
La grenouille voyageuse, perplexe et déçue, partit tandis que la première retourna à ses occupations, trop heureuse d’avoir déjoué les plans d’une grenouille machiavélique.
mardi 3 août 2010
Une affaire de femmes
Namfon était en train d’attraper un cube de glace au fond de son deuxième verre de thé glacé quand Phi Gaew finit par arriver. Namfon se leva d’un bond et fit une révérence à son aînée tandis que celle-ci s’affalait sur le tabouret en plastique bleu qui était juste en face d’elle.
« Phi Gaew, je suis vraiment contente de vous voir, dit Namfon. »
Ignorant ces salutations Phi Gaew commença à fouiller dans son énorme sac à main à la recherche d’un paquet de cigarettes.
« Cette chaleur est insupportable, dit-elle. C’est bien le seul moment de l’année où je regrette l’Allemagne. J’espère que tu réalises à quel point tu as de la chance, je ne sortirais en pleine journée pour personne d’autre. »
Elle alluma une Marlboro, tira une longue bouffée qu’elle inhala à pleins poumons, puis elle écarta de son visage ses cheveux décolorés rouge, faisant tinter les lourds bracelets en or qu’elle portait aux poignets.
Namfon allait au collège quand Phi Gaew était partie en Europe, et en trois ans, elle n’avait reçu que deux cartes postales qui étaient pleines de jérémiades au sujet de la météo, de la nourriture et des gens.
« Je suis toujours heureuse de vous voir Phi Gaew, je souhaite seulement que nous puissions nous rencontrer plus souvent, dit-elle quand même. »
Elle allait s’asseoir quand Phi Gaew dit : « Attends, laisse-moi te regarder. »
Namfon se tint aussi droite qu’elle le put et elle lissa sa longue jupe noire. Malgré les congés scolaires, elle portait son uniforme, parce qu’elle savait que Phi Gaew aimait la voir avec. Elle s’était changée dans les toilettes pour dames de la gare routière après son voyage depuis Nakhon Sawan et elle avait passé dix minutes à brosser ses cheveux jusqu’à ce qu’ils luisent comme du satin. Elle avait dix-sept ans et elle n’avait jamais mis de maquillage.
« Tu es en train de devenir une femme ravissante, dit Phi Gaew sans sourire et avec plus qu’un soupçon de jalousie dans la voix. »
Elle écrasa sa cigarette et en ralluma une autre immédiatement.
« Je suppose que les garçons sont déjà après toi comme une meute de chiens. Au fait, tu as eu de bonnes notes cette année ? »
Elle fit signe à Namfon de s’asseoir avec une main et à un serveur de l’autre. Sans attendre que le garçon ne s’approche de la table, elle lui cria d’amener une bouteille de whisky de cinquante centilitres, des glaçons et du soda.
Un bip se fit alors entendre dans le sac à main de Phi Gaew. Elle en sortit un pager et elle consulta le numéro affiché. Puis elle sortit un téléphone portable de son sac à main et elle appuya précautionneusement sur les touches avant de le porter à une oreille. Elle plaqua son autre main contre l’autre oreille, la cigarette toujours coincée entre ses doigts, pour se couper du bruit de la circulation ; leur table était en plein milieu du trottoir et la rue était congestionnée de voitures. Le garçon amena la bouteille et un seau de glace, et Phi Gaew mit sa main libre suffisamment longtemps sur le micro du téléphone pour commander un repas gargantuesque. Pendant tout ce temps, Namfon se tenait assise avec les mains posées sur son giron, regardant intensément Phi Gaew avec de grands yeux.
La conversation téléphonique traîna en longueur, suffisamment pour que les plats soient apportés, servis et qu’ils prennent la poussière pendant que Phi Gaew s’énervait de plus en plus avec la personne avec qui elle parlait, qui qu’elle fut. Namfon ne toucha pas aux plats. Finalement Phi Gaew referma rageusement son téléphone en jurant puis elle se mit à chercher à tâtons une cigarette. Quand elle remarqua Namfon assise de l’autre côté de la table, elle parut surprise ; il était évident qu’elle avait oublié où elle se trouvait.
« J’ai terminé première de la classe, dit Namfon.
— De quoi parles-tu ? demanda Phi Gaew.
— De mes résultats scolaires, dit Namfon, vous m’avez demandez si j’avais eu de bonnes note.
— Ah oui, d’accord. Et Songkran, comment a été Songkran cette année ? »
Namfon était blessée que Phi Gaew ne montre pas plus d’enthousiasme pour ses résultats scolaires. En fait, elle avait ses bulletins de notes avec elle et elle aurait adoré les lui montrer. Mais elle ne laissa pas paraître sa déception et commença à parler de Songkran.
« On s’est bien amusé, dit-elle. Vous savez, Arrière-grand-père a eu quatre-vingt-dix ans cette année et plus de deux cents personnes sont venus demander sa bénédiction. Nong Mae a maintenant deux jumeaux et Phi Jiep une voiture neuve, une japonaise… »
Tandis que Namfon parlait, Phi Gaew picorait distraitement dans les plats qui jonchaient la table, sans vraiment manger quelque chose.
« Et Grand-mère ? demanda-t-elle.
— Grand-mère va bien, répondit Namfon. Elle vous adresse son amour.
— Et Grand-père ? demanda Phi Gaew entre ses dents. Est-ce qu’il m’adresse aussi son amour ? »
Namfon savait qu’il valait mieux ne pas répondre. Au lieu de ça, elle prit une fiole dans son sac à main.
« J’ai amené ceci de la maison » dit-elle, et avant que Phi Gaew n’ait pu émettre d’objections, Namfon avait posé un genou sur le trottoir sale et pris les mains de l’autre femme pour les mettre en face d’elle. Elle joignit ses mains devant son visage, prononça une courte prière puis versa l’eau parfumée sur les mains de Phi Gaew. Puis elle leva les yeux et dit : « Mère, je prie pour votre santé, votre bonheur, une longue vie et toutes sortes de bienfaits. »
Pour la deuxième fois Phi Gaew parut surprise, mais elle ne réprimanda pas Namfon pour avoir utiliser le mot interdit. Une expression de tristesse altérant ses traits, elle posa ses mains mouillées sur la tête de la jeune fille, lissant ses cheveux d’un petit mouvement timide :
« Et je prie pour les mêmes choses, ma fille bien-aimée ».
Phi Gaew se leva alors si brusquement que Namfon en fut presque projetée en arrière dans la rue. Phi Gaew attrapa son sac, jeta dedans ses cigarettes, le téléphone portable et le pager, y ajoutant la bouteille de whisky alors qu’elle se détournait de la table et qu’elle s’éloignait à grands pas. Namfon s’accroupit près de la table et regarda sa mère disparaître dans la foule et les gaz d’échappement, les larmes aux yeux. Elle n’avait que ses bulletins de notes, son billet de bus pour le retour et à peu près cinquante bahts dans son sac à main, elle n’avait aucune idée de comment elle ferait pour payer pour tout ce qu’il y avait sur la table et la bouteille de whisky, mais en cet instant elle était heureuse, comme jamais elle ne l’avait été depuis très très longtemps.
« Phi Gaew, je suis vraiment contente de vous voir, dit Namfon. »
Ignorant ces salutations Phi Gaew commença à fouiller dans son énorme sac à main à la recherche d’un paquet de cigarettes.
« Cette chaleur est insupportable, dit-elle. C’est bien le seul moment de l’année où je regrette l’Allemagne. J’espère que tu réalises à quel point tu as de la chance, je ne sortirais en pleine journée pour personne d’autre. »
Elle alluma une Marlboro, tira une longue bouffée qu’elle inhala à pleins poumons, puis elle écarta de son visage ses cheveux décolorés rouge, faisant tinter les lourds bracelets en or qu’elle portait aux poignets.
Namfon allait au collège quand Phi Gaew était partie en Europe, et en trois ans, elle n’avait reçu que deux cartes postales qui étaient pleines de jérémiades au sujet de la météo, de la nourriture et des gens.
« Je suis toujours heureuse de vous voir Phi Gaew, je souhaite seulement que nous puissions nous rencontrer plus souvent, dit-elle quand même. »
Elle allait s’asseoir quand Phi Gaew dit : « Attends, laisse-moi te regarder. »
Namfon se tint aussi droite qu’elle le put et elle lissa sa longue jupe noire. Malgré les congés scolaires, elle portait son uniforme, parce qu’elle savait que Phi Gaew aimait la voir avec. Elle s’était changée dans les toilettes pour dames de la gare routière après son voyage depuis Nakhon Sawan et elle avait passé dix minutes à brosser ses cheveux jusqu’à ce qu’ils luisent comme du satin. Elle avait dix-sept ans et elle n’avait jamais mis de maquillage.
« Tu es en train de devenir une femme ravissante, dit Phi Gaew sans sourire et avec plus qu’un soupçon de jalousie dans la voix. »
Elle écrasa sa cigarette et en ralluma une autre immédiatement.
« Je suppose que les garçons sont déjà après toi comme une meute de chiens. Au fait, tu as eu de bonnes notes cette année ? »
Elle fit signe à Namfon de s’asseoir avec une main et à un serveur de l’autre. Sans attendre que le garçon ne s’approche de la table, elle lui cria d’amener une bouteille de whisky de cinquante centilitres, des glaçons et du soda.
Un bip se fit alors entendre dans le sac à main de Phi Gaew. Elle en sortit un pager et elle consulta le numéro affiché. Puis elle sortit un téléphone portable de son sac à main et elle appuya précautionneusement sur les touches avant de le porter à une oreille. Elle plaqua son autre main contre l’autre oreille, la cigarette toujours coincée entre ses doigts, pour se couper du bruit de la circulation ; leur table était en plein milieu du trottoir et la rue était congestionnée de voitures. Le garçon amena la bouteille et un seau de glace, et Phi Gaew mit sa main libre suffisamment longtemps sur le micro du téléphone pour commander un repas gargantuesque. Pendant tout ce temps, Namfon se tenait assise avec les mains posées sur son giron, regardant intensément Phi Gaew avec de grands yeux.
La conversation téléphonique traîna en longueur, suffisamment pour que les plats soient apportés, servis et qu’ils prennent la poussière pendant que Phi Gaew s’énervait de plus en plus avec la personne avec qui elle parlait, qui qu’elle fut. Namfon ne toucha pas aux plats. Finalement Phi Gaew referma rageusement son téléphone en jurant puis elle se mit à chercher à tâtons une cigarette. Quand elle remarqua Namfon assise de l’autre côté de la table, elle parut surprise ; il était évident qu’elle avait oublié où elle se trouvait.
« J’ai terminé première de la classe, dit Namfon.
— De quoi parles-tu ? demanda Phi Gaew.
— De mes résultats scolaires, dit Namfon, vous m’avez demandez si j’avais eu de bonnes note.
— Ah oui, d’accord. Et Songkran, comment a été Songkran cette année ? »
Namfon était blessée que Phi Gaew ne montre pas plus d’enthousiasme pour ses résultats scolaires. En fait, elle avait ses bulletins de notes avec elle et elle aurait adoré les lui montrer. Mais elle ne laissa pas paraître sa déception et commença à parler de Songkran.
« On s’est bien amusé, dit-elle. Vous savez, Arrière-grand-père a eu quatre-vingt-dix ans cette année et plus de deux cents personnes sont venus demander sa bénédiction. Nong Mae a maintenant deux jumeaux et Phi Jiep une voiture neuve, une japonaise… »
Tandis que Namfon parlait, Phi Gaew picorait distraitement dans les plats qui jonchaient la table, sans vraiment manger quelque chose.
« Et Grand-mère ? demanda-t-elle.
— Grand-mère va bien, répondit Namfon. Elle vous adresse son amour.
— Et Grand-père ? demanda Phi Gaew entre ses dents. Est-ce qu’il m’adresse aussi son amour ? »
Namfon savait qu’il valait mieux ne pas répondre. Au lieu de ça, elle prit une fiole dans son sac à main.
« J’ai amené ceci de la maison » dit-elle, et avant que Phi Gaew n’ait pu émettre d’objections, Namfon avait posé un genou sur le trottoir sale et pris les mains de l’autre femme pour les mettre en face d’elle. Elle joignit ses mains devant son visage, prononça une courte prière puis versa l’eau parfumée sur les mains de Phi Gaew. Puis elle leva les yeux et dit : « Mère, je prie pour votre santé, votre bonheur, une longue vie et toutes sortes de bienfaits. »
Pour la deuxième fois Phi Gaew parut surprise, mais elle ne réprimanda pas Namfon pour avoir utiliser le mot interdit. Une expression de tristesse altérant ses traits, elle posa ses mains mouillées sur la tête de la jeune fille, lissant ses cheveux d’un petit mouvement timide :
« Et je prie pour les mêmes choses, ma fille bien-aimée ».
Phi Gaew se leva alors si brusquement que Namfon en fut presque projetée en arrière dans la rue. Phi Gaew attrapa son sac, jeta dedans ses cigarettes, le téléphone portable et le pager, y ajoutant la bouteille de whisky alors qu’elle se détournait de la table et qu’elle s’éloignait à grands pas. Namfon s’accroupit près de la table et regarda sa mère disparaître dans la foule et les gaz d’échappement, les larmes aux yeux. Elle n’avait que ses bulletins de notes, son billet de bus pour le retour et à peu près cinquante bahts dans son sac à main, elle n’avait aucune idée de comment elle ferait pour payer pour tout ce qu’il y avait sur la table et la bouteille de whisky, mais en cet instant elle était heureuse, comme jamais elle ne l’avait été depuis très très longtemps.
mercredi 7 juillet 2010
Si j’avais un million
Photographie d'oph117 (www.flickr.com/photos/oph117/)
« Je veux voir tout l’argent. Je veux le ramener à la maison et le compter. »
« Je veux voir tout l’argent. Je veux le ramener à la maison et le compter. »
Aussi mit-elle son plus beau foulard et une chemise de dentelle avant de rejoindre son mari à l’arrêt de bus. À la banque, elle posa son panier à provisions sur le bureau de Khun Ariya et elle demanda ses dix millions de dollars.
Bon, nos agences locales de province n’ont pas sous le coude de telles sommes en liquide et même si elles les avaient, Khun Ariya savait que le panier à provisions de Khun Noina était trop petit. Alors, elle emmena la vieille dame dans la chambre forte et lui montrant les piles de liasses de billets et les coffres remplis, elle dit :« Tout ça est à vous, Mère. Mais je pense qu’il vous serait plus facile de les compter ici qu’à la maison. »
À suivre...
Entretien avec Étienne Rosse
Quand avez-vous commencé à écrire sur la Thaïlande et ses habitants ?
Je me suis établi en Thaïlande en 1990, j’avais alors dans l’idée d’écrire un scénario. Je m’étais trouvé un petit bungalow donnant sur la baie de Nai Harn ; une jeune femme est venue s’installer avec moi et j’ai passé mes journées assis sous le porche, buvant du café tout en regardant fixement ma machine à écrire. La nuit, j’avais des activités bien plus intéressantes. Je n’ai jamais fini mon scénario mais je me suis aperçu que j’étais capable d’écrire une petite histoire dans la matinée et que des journaux ou des magazines étaient prêts à payer l’équivalent d’une semaine de loyer pour cette histoire.
Je me suis établi en Thaïlande en 1990, j’avais alors dans l’idée d’écrire un scénario. Je m’étais trouvé un petit bungalow donnant sur la baie de Nai Harn ; une jeune femme est venue s’installer avec moi et j’ai passé mes journées assis sous le porche, buvant du café tout en regardant fixement ma machine à écrire. La nuit, j’avais des activités bien plus intéressantes. Je n’ai jamais fini mon scénario mais je me suis aperçu que j’étais capable d’écrire une petite histoire dans la matinée et que des journaux ou des magazines étaient prêts à payer l’équivalent d’une semaine de loyer pour cette histoire.
Pourquoi la Thaïlande et Phuket ?
J’avais prévu de faire un long séjour en Asie du Sud-Est et en Australie. En effet, j’avais travaillé dans l’industrie du film et de la télévision à New York pendant de nombreuses années sans prendre de vacances, alors j’avais décidé de passer un hiver entier à voyager pour décompresser. Je suis arrivé à Phuket la deuxième semaine de mon voyage ; je ne suis pas allé plus loin. À la fin des trois mois, j’ai décidé de ne pas retourner à New York. Si vous lisez Trois autres Thaïlande, vous comprendrez pourquoi.
Comment êtes-vous devenu un auteur publié ?
En 1990, Phuket Magazine venait de démarrer, ils recherchaient des pigistes et ils n’étaient pas trop regardants. C’est ainsi que j’ai commencé à écrire des histoires, à raison d’une par mois. Phuket est le lieu de vacances de l’aristocratie et des gens influents de Bangkok alors que les classes moyennes vont à Pattaya. Phuket Magazine était distribué dans les hôtels, c’était le genre de revue que vous trouviez sur la table de nuit dans les suites des complexes hôteliers haut de gamme. Les gens de l’aristocratie thaïlandaise lurent donc mes histoires et c’est ainsi que je commençai à recevoir des coups de téléphone de Bangkok : le Bangkok Post, The Nation, Thailand Tater et Living in Thailand Magazine m’invitaient à écrire pour eux. Phuket est aussi le lieu de vacances d’éditeurs venant de toute l’Asie du Sud-Est et on m’appela aussi de Hong Kong, de Singapour, de Sydney, de Manille et de Tokyo. À cette époque, chaque petite compagnie aérienne locale éditait son propre magazine de bord et de nombreuses sociétés étaient prêtes à payer pour des encarts publicitaires, mais elles recherchaient désespérément du contenu rédactionnel pour étoffer leurs pages.
Je finis par gagner ma vie et réussis à subvenir aux besoins de mes enfants et de mon épouse - une femme très respectable d’une très bonne famille qui m’a ensuite rendu malheureux avant de me ruiner - en écrivant à plein temps. J’ai écrit des essais, des nouvelles, des comptes-rendus de test de restaurant et j’ai fait du journalisme pur et dur où j’ai révélé des scandales dont ceux de la corruption. J’écrivais à la demande et nous vivions très bien. Ce fut la seule période de ma vie où j’ai pu m’acheter une voiture neuve.
D’où vous est venue l’inspiration pour les histoires publiées dans Trois autres Thaïlande ?
Il me semble qu’à cette époque je ne pouvais pas mettre le nez dehors sans être inspiré. Phuket était comme le Casablanca du film avec Bogart : tout le monde venait là. Des célébrités, des maquereaux, des musiciens, des prostituées, des drogués, des trafiquants de drogue, des artistes, des ouvriers d’exploitations de gisements pétroliers, des pilotes de ligne, des pêcheurs au gros et des vendeurs de tondeuses à gazon. Ces gens restaient une semaine ou deux puis disparaissaient. Des personnes qui étaient restées dix ans disparaissaient aussi subitement et de manière toute aussi définitive. Trois de mes amis moururent également pendant le temps que j’ai passé à Phuket. Chaque histoire de Trois autres Thaïlande trouve son origine dans quelque chose que j’ai vu ou entendu dire. Par exemple, il y a ce jour où j’attendais quelqu’un au Phuket Yacht Club, dans la salle du restaurant. Il était de bonne heure et seulement deux autres personnes mangeaient, deux Japonaises. Je remarquai qu’il n’y avait qu’un seul serveur dans la salle et qu’il regardait pensivement la mer, il attendait manifestement que quelque chose se produise. J’ai à mon tour regardé la mer et j’ai vu ce qu’il attendait. Une fois rentré à la maison, j’ai écrit cette histoire intitulée Regarde la mer. Ce n’était pas plus compliqué que ça.
Dans quel environnement et de quelle manière avez-vous écrit ces histoires ?
Pendant les trois dernières années que j’ai passées à Phuket, j’étais le chargé des relations publiques du Boathouse, un hôtel chic à Kata Beach. J’ai écrit de nombreuses histoires dans mon bureau. Comme j’étais marié, avec deux enfants en bas âge et une employée de maison, il m’était beaucoup plus facile d’écrire dans le calme de mon bureau, la plage à quelques pas et le service d’étage qui m’amenait à intervalles réguliers du café et des parts de linzertorte. Mais j’ai aussi écrit des histoires dans d’autres lieux. J’avais l’habitude de trimballer une vieille machine à écrire coréenne et j’ai écrit plusieurs histoires au Cathay Hotel à Penang en Malaisie. La nef des fous a été écrite sur le pont d’un yacht près des îles Mergui. Quelques autres histoires comme Histoire d’O ou Le temps d’un regard ont été écrites sur des cartes postales, dans un bar. J’avais pour habitude de toujours avoir sur moi des cartes postales ; si vous prenez des notes sur un carnet, les gens présents dans les bars se méfient, mais personne ne prête attention à un étranger qui écrit une carte postale.
Pourquoi ces histoires sont-elles si courtes ?
Elles ont toutes été initialement publiées sous forme de chronique dans un journal. Il est très rare qu’un chroniqueur ait droit à plus de 1000 mots, c’est pourquoi la plupart de ces histoires contiennent dans leur version originale exactement 1000 mots.
Y avait-il des restrictions quant aux sujets que vous pouviez aborder ?
Quand je me suis marié, mon épouse m’a dit : « tu peux écrire sur tout ce que tu veux, sauf sur la monarchie, le clergé et ma mère. » Au fil des ans, j’ai essayé de suivre scrupuleusement cette règle. La Thaïlande a toujours été un état policier et même les années calmes il n’est pas rare que des journalistes soient expulsés de temps à autre. Mais comme mes histoires paraissaient dans la rubrique « humour » et aussi parce que je travaillais dans un hôtel dont le propriétaire fait partie de la famille royale, j’ai pu écrire sur un bon nombre de sujets qui auraient causé bien des problèmes à d’autres. J’ai écrit que quelqu’un essayait de vendre un bébé sur la plage de Patong ; je n’ai rien inventé, on a vraiment essayé de me vendre une petite Eurasienne de quatre mois. Je n’ai pas eu de problème avec la police contrairement à ce que ma femme avait prédit. Mais quand j’ai écrit que les promoteurs d’une certaine résidence avaient roulé leurs clients, j’ai reçu des coups de fils anonymes où on me menaçait et quelqu’un a déposé la carcasse d’un chien mort devant ma porte d’entrée.
Pouvez-nous nous parler de vos relations avec vos lecteurs ?
Comme The Nation était distribué dans les avions de la compagnie Thai Airways, j’ai reçu des lettres de Johannesburg, Paris, Londres et New York. Mais j’ai également reçu de très nombreuses lettres incendiaires de Bangkok. Certaines personnes pensaient que j’encourageais la prostitution et cela les rendaient furieux. D’autres pensaient que je critiquais les hommes qui ont recours aux services des prostituées et cela les rendaient furieux. Je n’ai jamais promu ou critiqué quoi que ce soit : je me suis toujours contenté de décrire les choses.
Pourquoi et comment avez-vous appris le thaï ?
J’ai appris le thaï pour la simple et bonne raison que je vivais en Thaïlande, je n’étais pas un touriste. J’avais des notes de téléphone à payer, une employée de maison à gérer, des courses à faire, un visa de résident permanent à obtenir et un boulot à me trouver pour subvenir à mes besoins. Comment est-ce possible de faire tout ceci si vous ne parlez pas la langue du pays ? Après avoir vécu environ deux ans sur place, j’ai suivi un cours intensif de thaï pendant six semaines à l’A.U.A de Chiang Mai. Mais le vocabulaire le plus utile pour la vie de tous les jours, je l’ai appris en donnant des cours d’anglais dans les hôtels de Phuket. C’était vraiment l’un des meilleurs moyens pour manger à l’œil dans de super restaurants. En donnant deux heures de cours par jour où j’apprenais à dire aux femmes de chambre « May I clean the room now ? », je gagnais suffisamment pour subvenir à mes besoins et j’avais droit en plus à deux repas gratuits. Pour chaque mot d’anglais que j’enseignais à mes étudiantes, je m’assurais qu’elles m’enseignent au moins deux mots de thaï.
Pourquoi êtes-vous parti de Thaïlande ?
Mon fils était âgé de trois ans, ma fille de un an. Avec ma femme nous avions discuté de ce qui serait le mieux pour eux, entre les éduquer en Thaïlande ou aux États-Unis. Nous étions tous les deux tombés d’accord, mon pays serait mieux. J’avais prévu d’attendre encore un an mais un jour je me suis disputé avec le directeur général de l’hôtel où j’étais employé et j’ai démissionné. C’était le meilleur job que je n’avais jamais eu, un job parfait et j’ai claqué la porte sur un coup de tête. Au lieu de me mettre à chercher un autre emploi que j’aurais gardé pendant un an, il m’avait semblé plus judicieux de rentrer aux États-Unis tout de suite. Et vraiment, je ne suis pas déçu du résultat. Il n’y a rien qui mérite d’écrire une ligne ici à Iowa City mais mes enfants grandissent sans souci. Nous avons de bonnes écoles, de bons hôpitaux et les rues sont sûres. Il n’y a pas de motos pétaradantes, ni de chiens errants sur la plage. Ni de prostituées droguées qui traînent autour du bureau de poste. Tout est propre, sans danger, sous contrôle et paisible. Mais je m’ennuie comme un rat mort. J’attends avec impatience le jour où je pourrai retourner vivre en Thaïlande !
vendredi 2 juillet 2010
Gavroche Thaïlande: trois questions à...
Fondateur des éditions Gope, un label fraîchement débarqué sur le marché du livre francophone en Thaïlande. Son objectif ? Diversifier l’offre pour permettre à la langue de Molière de s’imposer sur les étals des librairies du pays.
Pourquoi avoir choisi de fonder un label spécialisé dans les parutions traitant de l’Asie du Sud-est ?
J’ai eu l’occasion de me rendre à Hong Kong, puis en Chine du sud et en Thaïlande à maintes reprises depuis 1997 pour des raisons professionnelles. Au début, j’étais fasciné et j’avais l’impression d’avoir devant moi les milliers de pièces d’un puzzle sans fin. En tant qu’inconditionnel lecteur, je me suis vite aperçu qu’il y avait, ici, des livres principalement anglophones. Mais également un vivier d’écrivains inconnus en France traitant de sujets sur l’Asie de façon originale. Ces lectures m’ont donc aidé à placer quelques-unes des pièces du puzzle, et c’est tout naturellement que m’est venue l’idée de partager mes découvertes. L’offre en livres asiatiques est, en France, souvent concentrée sur la Chine et le Tibet, ou encore le Japon et l’Inde. Bien sûr, on peut trouver d’excellents livres sur l’Asie du Sud-est, mais l’offre demeure très clairsemée. Elle manque de visibilité, et certains pays comme la Malaisie, l’Indonésie ou les Philippines sont complètement sous-représentés. Ou alors il s’agit simplement de réimpressions de livres très anciens, qui véhiculent une image très stéréotypée, ne correspondant plus aux réalités actuelles. D’autres, trop cérébraux et didactiques, ne révèlent finalement pas grand chose sur l’Asie contemporaine. Je me suis donc lancé le défi de démarrer un label spécialisé, qui comblerait ces carrences.
Que diriez-vous de l’offre de lecture en français dans les librairies thaïlandaises ?
Si on considère les librairies que l’on trouve dans les aéroports ou les centres commerciaux, je dirais qu’elle est souvent non seulement insuffisante, mais surtout de qualité très inégale. Pourtant, ces librairies pourraient devenir le lieu idéal pour concentrer tous les livres ayant de près ou de loin un lien avec la Thaïlande. Malheureusement, importer, diffuser et distribuer des livres édités et imprimés en France n’est pas une solution des plus économiques ! Il est donc vraiment difficile de proposer un ouvrage à la vente en dessous de 500 Bahts, et cela ne favorise pas le développement du marché. Les livres restent trop onéreux par rapport au niveau de vie du pays. Il existe pourtant quelques bonnes librairies spécialisées à Bangkok, mais elles sont encore trop peu nombreuses pour asseoir la littérature francophone.
Pourquoi avoir opté, comme premier roman édité, pour le livre « Trois autres Thaïlande » ?
A la base, je suis ingénieur en électronique. Je gagne ma vie en tant que consultant indépendant, notamment pour mettre en relation entreprises européennes et fournisseurs asiatiques. Mais je suis aussi et surtout un incorrigible amoureux des livres. Quand je me suis intéressé à Trois autres Thaïlande, je ne savais pas encore que j’allais finir par créer ma propre structure pour le publier. Mais ça a été un tel coup de coeur ! J’ai eu l’impression d’enfin trouver des récits qui sortent des sentiers battus, qui évitent cet exotisme bon marché que l’on nous vend systématiquement. Car, à travers ces brefs portraits, ceux de personnages qui vivent la Thaïlande au quotidien, on parvient finalement à saisir la justesse du pays ! Quant à l’auteur, il ne s’embarrasse pas en fioritures inutiles. Le tout saupoudré d’un humour piquant, mais à la fois tellement révélateur.
Propos recueillis par OLIVIA CORRE
vendredi 25 juin 2010
Le grand pardon
« Excusez-moi monsieur, vous connaissez une fille qui s’appelle Lek ?
Derek leva les yeux de ses nouilles et examina soigneusement l’homme : vieux, peut-être soixante-dix ans, peut-être cinquante. Des tongs élimées en caoutchouc, un short usé, une chemise en flanelle défraîchie et autour de sa taille un pah khao ma, une pièce de tissu aux motifs traditionnels du nord-est. Derek se dit que quoique le vieil homme vende, il n’en voulait pas.
— Non, dit-il. »
C’était un mensonge bien sûr ; la moitié des femmes s’appelle Lek en Thaïlande.
Derek retourna à ses nouilles. Manger des nouilles demande beaucoup de concentration ; tout dans le bol n’est pas sensé être mangé. Le vieil homme traîna ses pieds jusqu’à la table suivante et répéta sa question. L’endroit était presque complet pour le déjeuner et comme il était près de la plage, des touristes se mêlaient à la clientèle thaïlandaise. Le vieil homme posa dans un thaï très soutenu la même question aux dîneurs thaïlandais ; il utilisa avec les Farangs la même formule qu’il avait utilisée avec Derek.
« Excusez-moi monsieur, madame, vous connaissez une fille qui s’appelle Lek ? »
On le regarda avec des yeux ronds et on l’envoya promener sans ménagement.
Alors que Derek glanait les derniers morceaux comestibles dans ce qui restait au fond du bol, le vieil homme fit le tour de la pièce et repassa au niveau de la table de Derek. Derek remarqua son regard et il fut surpris. N’importe quel marchand ambulant qui après avoir démarché une salle pleine d’ouvriers thaïlandais et de vacanciers aurait été déçu s’il était reparti sans rien vendre. Une petite vendeuse de fleurs âgée de cinq ans aurait fait fortune ici et n’importe quelle entraîneuse de bar qui aurait approché autant de prospects et serait repartie les bras ballants, aurait changé de travail.
Mais le vieil homme avait la même expression tranquille et perplexe que lorsqu’il était venu dans cet endroit. Qui que soit Lek, se dit Derek, il avait l’habitude de la chercher.
À suivre…
vendredi 11 juin 2010
lundi 7 juin 2010
SOLEIL LEVANT, Thailande, Issan, Asie: Culture,Voyage, Musique,Cinéma asiatique
Après l’avoir terminé, il m’a fallu quelques jours de pose avant de pouvoir venir vous en parler car mes sentiments étaient mitigés.
Jusqu’à présent tous les romans que j’ai pu lire sur la Thaïlande avaient une charge émotionnelle instantanée au fil de la lecture où agrémentés de notes de l’auteur plus où moins relevées à l’image de la cuisine Thaïlandaise. Ici nous avons des histoires courtes narrées sans émotions, un regard neutre, déroutant et presque décevant, un peut à la façon du cinéaste Sud Coréen Joon ho bong pour ceux qui connaissent. Et puis avec le recul et une relecture, les personnages où situations prennent toute leurs saveurs, justement parce que l’auteur laisse la place à l’imagination du lecteur sans venir le distraire par son point de vue et son expérience du pays. Tranches de vies Farang (*) où Thaïe, exceptionnelles, pathétiques, cocasses, leçons de vie, celà va vite, jamais ennuyeux
Ma préférée :" Si j’avais un million " synthèse magistrale sur l’évolution des zones hyper touristiques.
En résumé :
Pour les expatriés où abonnés au PDS (**) rien de nouveau si ce n’est de retrouver des situations vécues,
En résumé :
Pour les expatriés où abonnés au PDS (**) rien de nouveau si ce n’est de retrouver des situations vécues,
Pour un 1° voyage, un livre incontournable, une bonne approche de la complexité de ce pays, sans se prendre la tête et sans besoin de marque page.
A avoir dans sa bibliothèque rayon Thaïlande entre ma Danseuse Particulière et les romans de J. Burdett.
Disponible (entre autre) à la FNAC et, pour la Thaïlande à Bangkok chez CARNETS D ASIE sur place et par correspondance.
(*) Farang = Occidental(**) PDS = Pays Du SourirePublié par Voyageurasie
(*) Farang = Occidental(**) PDS = Pays Du SourirePublié par Voyageurasie
jeudi 20 mai 2010
Trois autres Thaïlande est vente dans les librairies asiatiques et de voyage
Trois autres Thaïlande d'Étienne Rosse n’est pas un guide touristique sur la Thaïlande ou Phuket. Il peut cependant venir en complément et préparer le futur voyageur ou expatrié à voir au-delà des apparences et à éviter certaines erreurs.
En effet, il n’est pas nécessaire de rechercher la « vraie » Thaïlande dans les régions les plus éloignées ou les plus déshéritées parce qu’elle est partout, là sous vos yeux, même dans une zone très touristique comme Phuket, comme nous le montre si bien Étienne Rosse.
Ce livre a été conçu pour être lu aisément pendant votre voyage ou sur votre lieu de vacances.De petit format, il est réalisé avec du papier non réfléchissant pour une lecture confortable en extérieur. Composé d’histoires courtes et indépendantes, la lecture peut aisément être interrompue et reprise à volonté.
mardi 18 mai 2010
Une occasion unique d’entrevoir le visage réel de la Thaïlande
Derrière le sourire thaï, il y a une civilisation si éloignée de la nôtre qu’une vie entière ne suffirait pas à la comprendre. Mais on peut essayer, modestement, d’en éclairer quelques pans, à la manière d’Étienne Rosse, journaliste du quotidien anglophone The Nation, qui a vécu dans l’île de Phuket pendant sept ans.
Il nous a fait là un cadeau inestimable en nous livrant plusieurs dizaines de courts portraits de Thaïlandais et d’Occidentaux qui ont voulu s’établir en Thaïlande. Comme ce docteur qui a fui les camps de concentration, cet expatrié à l’obésité morbide, ce cancéreux en sursis. Mais on découvre aussi un Japonais aux jolies chaussures en croco qui a plus d’un tour dans son sac. L’auteur nous fait suivre les mauvaises actions d’un conducteur de moto-taxi, l’attente d’un jeune métisse qui attend la visite annuelle de son père, l’étonnement d’une prostituée qui se rend compte que son client est toqué... Un bouquet de vies, un florilège de destinées tantôt positives, tantôt négatives, un défilé de karmas que l’auteur décrit en deux ou trois pages avec une justesse de ton et de fond qui vaut mille reportages. Une occasion unique d’entrevoir le visage réel de la Thaïlande. Un portrait qui n’est pas toujours flatteur – à côté de la douceur, de la poésie, de la grâce, il y a les traditions rigides, la violence, la tragédie, les convenances – mais toujours juste. Sans aucun doute, Trois autres Thaïlande mérite une place de choix dans une bibliothèque idéale consacrée à la Thaïlande.
EMMANUEL DESLOUIS
Il nous a fait là un cadeau inestimable en nous livrant plusieurs dizaines de courts portraits de Thaïlandais et d’Occidentaux qui ont voulu s’établir en Thaïlande. Comme ce docteur qui a fui les camps de concentration, cet expatrié à l’obésité morbide, ce cancéreux en sursis. Mais on découvre aussi un Japonais aux jolies chaussures en croco qui a plus d’un tour dans son sac. L’auteur nous fait suivre les mauvaises actions d’un conducteur de moto-taxi, l’attente d’un jeune métisse qui attend la visite annuelle de son père, l’étonnement d’une prostituée qui se rend compte que son client est toqué... Un bouquet de vies, un florilège de destinées tantôt positives, tantôt négatives, un défilé de karmas que l’auteur décrit en deux ou trois pages avec une justesse de ton et de fond qui vaut mille reportages. Une occasion unique d’entrevoir le visage réel de la Thaïlande. Un portrait qui n’est pas toujours flatteur – à côté de la douceur, de la poésie, de la grâce, il y a les traditions rigides, la violence, la tragédie, les convenances – mais toujours juste. Sans aucun doute, Trois autres Thaïlande mérite une place de choix dans une bibliothèque idéale consacrée à la Thaïlande.
EMMANUEL DESLOUIS
mardi 23 mars 2010
Les nuits avec mon ennemi
Photographie d'Adrian Callan (Bangkok)
Il y avait seulement quelques clients la nuit dernière au Pension Grilparzer, la plupart d’entre eux essayant de faire durer une bière et deux cigarettes jusqu’à ce qu’il arrête de pleuvoir et qu’ils puissent rentrer à la maison. Ying, la barmaid obèse écoutait la radio et au fond de la salle Kevin jouait au billard tout seul. Kevin joue toujours au billard tout seul parce que personne n’aime Kevin.
Nit, la copine de Kevin, était assise au bout du bar, scrutant l’infini et tirant compulsivement des peaux du coin de ses ongles. Elle avait un verre d’eau en face d’elle, un verre donné par Ying et elle essayait de faire durer cette eau comme si c’était une bière et deux cigarettes. Personne n’a jamais vu Kevin payer un verre à Nit.
Kevin est d’âge moyen, de taille moyenne et de corpulence moyenne. En fait, son seul signe distinctif est un menton fuyant. À un moment donné dans le passé, une femme a brisé le cœur de Kevin, ce qui l’a rendu amer et mesquin. La douleur de Kevin est aussi déplacée au Pays du Sourire et aussi évidente que l’aurait été un grand sombrero doré sur sa tête. Il est le genre d’Occidental expatrié qui écrit des lettres aux journaux locaux pour dire à quel point les femmes farangs sont grosses et laides et à quel point sont belles, féminines et désirables les femmes asiatiques. Mais comme seule la plus désespérée des femmes de n’importe quelle race s’intéresserait à Kevin, vous pouvez imaginer que Nit n’est pas près d’embellir les couvertures des magazines de mode.
Nit, la copine de Kevin, était assise au bout du bar, scrutant l’infini et tirant compulsivement des peaux du coin de ses ongles. Elle avait un verre d’eau en face d’elle, un verre donné par Ying et elle essayait de faire durer cette eau comme si c’était une bière et deux cigarettes. Personne n’a jamais vu Kevin payer un verre à Nit.
Kevin est d’âge moyen, de taille moyenne et de corpulence moyenne. En fait, son seul signe distinctif est un menton fuyant. À un moment donné dans le passé, une femme a brisé le cœur de Kevin, ce qui l’a rendu amer et mesquin. La douleur de Kevin est aussi déplacée au Pays du Sourire et aussi évidente que l’aurait été un grand sombrero doré sur sa tête. Il est le genre d’Occidental expatrié qui écrit des lettres aux journaux locaux pour dire à quel point les femmes farangs sont grosses et laides et à quel point sont belles, féminines et désirables les femmes asiatiques. Mais comme seule la plus désespérée des femmes de n’importe quelle race s’intéresserait à Kevin, vous pouvez imaginer que Nit n’est pas près d’embellir les couvertures des magazines de mode.
À suivre…
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